Bâti en un temps qui n’était plus celui de « La Belle Epoque », en des années qui n’étaient déjà plus très folles, le palais de la Méditerranée, grandiose par le faste art déco de son intérieur et de son architecture, fut pour une durée comptée le lieu ultime de la fête à Nice. Parangon de la splendeur perdue de la ville, il ne reste de ce palais de rêve que sa façade monumentale évidée, rescapée in extremis de la démolition hâtive.
Et pourtant… En deçà de cette façade, on a redonné vie depuis peu à un luxe qui ne laisse pas indifférent : le casino a retrouvé sous les arcades sa place et sa frénésie d’antan, l’hôtel de 4 étoiles ranime une splendeur nostalgique par ses portes à tambour, le volume de ses halls de marbre, ses couloirs de palace… Les ascenseurs s’envolent en musique au 3ème étage où un vaste espace extérieur suspendu derrière les béances rectangulaires de la façade supporte une grande piscine et ses margelles, des fauteuils éparpillés, un piano noir… et tout au bout, contre les piliers, quelques belles tables de restaurant posées en surplomb d’un panorama époustouflant sur la baie des Anges.
C’est à l’une de ces tables dites « du bord » que vous commanderez vos dîners d’été. A l’heure de votre mise en bouche, un soleil hors champ embrase d’orangé le cap de Nice et le cap Ferrat, fait scintiller d’or les flots de la baie que votre champ de vision embrasse dans sa totalité. Au fil de votre repas, vous verrez la mer éclaircir ses nuances céruléennes et la ligne d’horizon se dissoudre en même temps que la lumière s’affaisse. Le dégradé du paysage s’attardera un temps dans un bleu clair d’opaline puis tendra vers le gris argent tandis que vous atermoierez devant le choix des desserts. A la fin du dîner, la nuit sera tombée, les lumières électriques luiront en guirlande sur la courbe de la baie, la mer brasillera sous la lune : ce sera le moment de commander une autre bouteille, de s’attarder sur le panorama de la Promenade des Anglais animée d’un croisement de foule incessant, de scruter l’opacité des plages noires d’où monteront des musiques, des chansons…
La cuisine est inventive, méditerranéenne comme il se doit, raffinée, surprenante, les saveurs délicates et précises sont bien appariées, le service est conventionnel, discret, agréable, l’esthétique et la classe du lieu règnent en maître jusque dans les assiettes. La cave est limitée mais efficace. Les prix, proportionnées au décor, restent abordables pour le plaisir d’un soir d’été.